Quel drĂŽle dâoiseau, tout de mĂȘme, avec sa forme biscornue et ses strates de peau plissĂ©e un peu comme les genoux dâun dromadaire. Et quand on le coupeâ: lâodeur, le jus, les fibres rĂ©veillent les sens de plein fouet.
Il mâen fait imaginer des mondes et je me demandeâ: quâa-t-il vuâ? quâa-t-il vĂ©cuâ? quâest-ce qui le fait vibrerâ? On se questionne sur cette racine lĂ©gendaire⊠tout en sirotant une infusion.
Gingembre, que vois-tu au quotidienâ? (ceci est une fiction)
Depuis lâĂ©tagĂšre Ă Ă©pices, jâai une vue plongeante sur la cuisine oĂč je suis disposĂ© Ă portĂ©e de main. JâapprĂ©cie faire partie du rituel matinal et, pour les jours grincheux et pluvieux, câest Ă plusieurs reprises que je me rends utileâ: je passe dans les mains, je suis en contact avec la planche Ă couper et le couteau qui tranche et, parfois, mes saveurs se mĂ©langent avec celle du citron. Câest vraiment une fiertĂ© dâavoir Ă©tĂ© reconnu pour mes bienfaits thĂ©rapeutiques dans la mĂ©decine chinoise et ayurvĂ©dique. Ăa a Ă©tĂ© notre passeport pour voyager dans le monde et ĂȘtre aujourdâhui cultivĂ© par les humains. On nâest pas prĂšs de disparaĂźtreâ: merci aux petits problĂšmes de santĂ© des hommesâ!
Blague Ă part, jâaime ressentir les effets que je produis sur le corps, les sensations comme le goĂ»t piquant sur la langue et la biochimie qui soulage la nausĂ©e, les crampes et douleurs, les indigestions, la fiĂšvre, la toux et le rhume, les problĂšmes de circulation et jâen passe.
Je vois aussi le plaisir que je procure et la crĂ©ativitĂ© dont les humains font part en cuisine pour mâajouter Ă leurs sauces, soupes, boissons, salades et gĂąteaux.
Quâas-tu vĂ©cu dans le solâ?
En tant que plante pĂ©renne, jâai eu plus dâune saison pour observer la vie en terre. Cependant, dans les champs commerciaux dâInde dâoĂč je viens, on nous rĂ©colte aprĂšs 10 mois environ. Je pousse assez vite, jusquâĂ 1,50âm maximum et, de lĂ , jâapprĂ©cie les rayons du soleil, la chaleur. LâĂ©nergie capturĂ©e par mes longues feuilles Ă©troites, je lâenvoie vers mes rhizomes souterrains qui vont gonfler en se ramifiant. Ce sont eux qui, en se divisant, permettent dâassurer la prochaine gĂ©nĂ©ration.
Nous faisons Ă©galement des fleurs en forme de cĂŽneâ; cependant, le pollen est souvent infertile et la formation des graines nâest pas une Ă©vidence. Aujourdâhui, nos fleurs ouvertes sont peu ou pas visitĂ©es par les pollinisateurs, câest une des hypothĂšses de notre «âinfertilitĂ©â» lorsquâon parle de reproduction sexuĂ©e[1].
Retrouvez la suite dans notre numéro de décembre (n°74)
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[1] Melati et al. (2015) Floral Biology of Ginger (Zingiber officinale Rosc.) Int. J. Curr. Res. Biosci. Plant Biol. 2015, 2(4)â: 1-10.