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Et si on apprenait à vivre avec les invasives ?

Et si on apprenait à vivre avec les invasives ?
Cet article à été écrit par L'Esprit Jardin
18 janvier 2020

Le 13 juillet 2016, la Commission européenne a publié la liste de 37 « espèces exotiques envahissantes » dont 14 espèces végétales, contre lesquelles les États membres vont devoir agir. Plutôt qu’une destruction radicale, n’est-il pas possible de vivre en bonne intelligence avec ces plantes en les tenant à distance raisonnable ?

Quel jardinier n’a jamais pesté contre un chiendent, des bambous, ou de la prêle dont il peine à endiguer les velléités conquérantes ? Dans bien des cas pourtant, ce sont aussi les jardiniers qui ont implanté en Europe des espèces végétales provenant d’autres continents ; certaines de ces espèces se sont tellement bien acclimatées chez nous qu’elles y mènent aujourd’hui d’irrésistibles conquêtes de nos paysages.

« Opportunistes, pionnières, conquérantes, envahissantes ? » 

Faut-il à tout prix considérer ces plantes comme des ennemis à abattre, ou risque-t-on par là même de faire plus de bien que de mal ?

C’est la question que se sont posée le paysagiste de renommée internationale Gilles Clément et la jardinière bio Brigitte Lapouge-Dejean. Ensemble, ils nous rappellent que si « nous assistons parfois à de virulentes expansions de plantes dans notre environnement », celles-ci « peuvent être provoquées par de multiples causes : réchauffement climatique, pollution, brassage planétaire… » Peut-on réellement éradiquer rapidement des espèces végétales qui sont déjà bien installées et profitent de l’activité humaine pour proliférer ? N’est-il pas utopique de lutter contre leur dissémination dès lors qu’elle peut utiliser efficacement des vecteurs aussi variés que l’eau, le vent, les oiseaux, les animaux, les roues des voitures ?

Pour Gilles Clément, « les dispositions prises par les observateurs de la nature et ses protecteurs pour lutter contre l’apparition des plantes exogènes et reconstituer des paysages floristiques d’origine semblent (…) relever d’une pure nostalgie niant les mécanismes de l’évolution plutôt que d’un souci de protéger la vie qui, elle, ne cesse de réinterpréter les conditions biotiques pour s’y adapter au mieux. » Ainsi, l’ingénieur horticole estime qu’on devrait s’attaquer aux causes de l’expansion de ces plantes plutôt qu’aux conséquences, et même pouvoir saluer certains de leurs bienfaits, plutôt que de les combattre à tout prix.

Et de citer en exemple la jussie : figurant sur la liste noire des espèces invasives de Belgique, elle est encore peu répandue en Wallonie, mais a largement colonisé l’Hexagone, au point de susciter une lutte sans merci et pourtant encore souvent inefficace.

« Merci à la jussie de bien vouloir se développer dans un milieu eutrophisé, si chargé en nitrates qu’aucune des plantes frugales habituées aux milieux maigres ne peut supporter.

Qui va se charger d’extraire ces polluants sinon elle ? Ne pourrait-on l’extraire pour en faire un engrais plutôt que la combattre en vain ? Et, parallèlement, engager une politique de reconversion des méthodes de culture sur les bassins versants, conduisant à une lente dépollution des sols ? »Persuadés qu’ « il est vain et insensé de vouloir agir contre ces évolutions naturelles ou anthropiques au niveau du paysage », Gilles Clément et Brigitte Lapouge-Dejean estiment par contre qu’« il n’en est pas de même dans les jardins. À cette petite échelle, on peut éviter d’installer des plantes expansives ou, lorsqu’elles sont déjà en place, apprendre à les cantonner écologiquement. » Dans leur livre, ils ont identifié 44 plantes et indiquent des solutions naturelles pour les limiter, les supprimer, ou les remplacer, le tout dans l’idée de protéger la biodiversité.


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