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GRANDEUR NATURE, avec Francis Moureau

Cet article à été écrit par x.huart@weyrich-edition.be
13 août 2022

Passionné par les insectes depuis son enfance, Francis Moureau œuvre pour la protection de l’environnement. Il a enseigné l’apiculture en Ardenne et il promeut le retour à l’abeille noire. Il a travaillé de 1989 à 2019 à l’Institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (IBGE), Bruxelles environnement,
au Service juridique et aux Espaces verts.

Francis, pourquoi êtes-vous devenu apiculteur ?

Déjà passionné vers l’âge de 3-4 ans, ma motivation est née d’un sentiment de perte et d’une tristesse subite. Je me souvenais des prés verdoyants de mon enfance peuplés d’insectes de toutes sortes. En 2008, je fus choqué et traumatisé par l’absence d’abeilles dans les prés fleuris d’Ardenne où j’avais déposé mes valises. Des fleurs sans insectes pour les visiter ! Un comble. Simplement impensable. Alors, j’ai décidé de faire quelque chose, et donc de me renseigner, puis d’acquérir des ruches.

Rétrospectivement, je me rends bien compte que j’avais une motivation forte, très forte, et c’est vraiment la base pour progresser très rapidement. J’ai nourri mes curiosités de façon intensive avec des cours (2 ans) de la Région wallonne, par le contact avec des associations d’apiculteurs épris d’abeilles noires comme Mellifica, et aussi par mes lectures (ma bibliothèque comprend aujourd’hui plus de 400 ouvrages).

J’ai compris que l’abeille noire, présente en Europe depuis 1 million d’années, est menacée de disparition par la faute d’apiculteurs ignorants qui privilégient un rendement en miel maximal. À mes yeux, ils sont coupables de la disparition de l’abeille du pays. Ils utilisent des abeilles étrangères inadaptées, sélectionnées à outrance et fragiles, ils détruisent la génétique de notre abeille noire par des croisements génétiques incontrôlés. Les abeilles métissées, hybridées, introgressées sont quasi mutantes, elles deviennent incapables de survivre par elles-mêmes en milieu naturel. Pire, les essaims transformés qui s’échappent font mourir de faim les colonies naturelles à cause d’un comportement de ponte excessif issu des métissages.
La forêt est l’habitat naturel des abeilles à miel, qui y vivent dans les troncs d’arbres depuis un million d’années. Les forestiers en témoignent, elles disparaissent lentement. Les politiciens ne voient rien, ils ne comprennent pas qu’ils devraient légiférer avant qu’il ne soit trop tard. En forêt, il y a peu de pesticides, ils ne sont pas en cause.

Comment le jardinier d’aujourd’hui peut-il aider les abeilles dans son jardin ?

Pour les plantes horticoles, il devrait résolument s’orienter vers les variétés à fleurs simples. Par exemple : si vous voulez des dahlias, choisissez ceux dont les fleurs permettent aux insectes (abeilles, papillons, mouches) d’entrer à l’intérieur de la fleur plutôt que ceux à fleurs doubles ou triples, qui ne leur offrent aucun accès possible… Il faudrait s’habituer à laisser vivre temporairement les fleurs avant de tondre la pelouse.
D’un jaune éclatant, les fleurs du pissenlit sont une merveille ; en plus, toute la plante est comestible et pleine de vertus de santé. En Franche-Comté, avec les fleurs, on fait une gelée appelée miel de pissenlit ou cramaillote. Le pissenlit est tout le contraire d’une mauvaise herbe.
Le trèfle blanc (le « coucou ») est certes plus humble, pourtant c’est une ressource importante pour les abeilles dans nos contrées. Nul besoin de le garder s’il est fané et brun, mais quelle erreur de le raser ou même de le supprimer de la pelouse à grand renfort d’herbicide sélectif.

Arbustes : le critère important étant qu’ils doivent porter des fleurs, se reporter aux listes d’arbustes mellifères avant de les choisir.

Comment les abeilles se portent-elles en 2022 ?

Plutôt mal. Les signaux d’alerte sont nombreux de par le monde. Catastrophe au Maroc où on n’explique pas la cause des pertes massives dans les montagnes. Catastrophe au Canada : des pertes jamais observées de 75 % et des apiculteurs qui manquent d’essaims pour polliniser les immenses champs d’airelles et de canneberges. Oui, ce sont des pertes très anormales et très inquiétantes. Pas seulement pour les apiculteurs qui sont potentiellement ruinés et qui abandonneront de plus en plus nombreux leur activité.

L’abeille des apiculteurs est une sentinelle de l’environnement, mais les autres insectes sont aussi concernés. Leur régression est générale. Heureusement, la nature est résiliente, mais pas assez pour résister quand on brûle des forêts par centaines de km2 pour y implanter des monocultures. C’est de la destruction massive.

Par ailleurs, des causes émergentes devraient être mieux étudiées. Depuis le milieu des années 2000, des satellites utilisent la bande Ka (20-30 GHz) pour les services Internet par satellite en bombardant la surface terrestre afin de supprimer les dernières « zones blanches » (refuges des humains hypersensibles). Les insectes sont-ils pollués par ces ondes ? Dans quelle mesure ? Qui le sait ? Chacun peut constater la diminution d’insectes écrasés sur les pare-brise automobiles ; je doute que les changements climatiques, la destruction des habitats et les pesticides soient la seule explication.

Quel message voudriez-vous passer aux lecteurs de L’Esprit Jardin ?

Les hommes ont modifié 3/4 de l’environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin, avec pour résultat que 1 million d’espèces végétales et animales sont menacées d’extinction à court terme. Le message, c’est que la nature est belle et que nous en sommes responsables. Si on commet des erreurs, il faut les corriger, et c’est urgent.

En partenariat avec 

Retrouvez Francis Moureau dans l’émission Grandeur Nature
• En télévision le samedi 20 août sur la Une Rtbf à 13 h 35 (juste après le JT)
• et en radio le dimanche 21 août à 13 h 10 sur Rtbf Vivacité.
Francis Moureau nous parlera de l’abeille noire, la reine des abeilles : quel est le grand danger aujourd’hui et que faire pour y remédier ? Il abordera également les défis de l’apiculteur d’aujourd’hui.


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