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La vallée de l’abeille noire

La vallée de l'abeille noire
Cet article à été écrit par L'Esprit Jardin
12 février 2022

L’apiculture est répandue partout dans le monde, excepté dans les contrées très froides recouvertes de glace. Elle génère des productions de miel exprimées en milliers de tonnes par pays. Face à cette réalité monumentale, des artisans s’inscrivent inlassablement dans une perspective radicalement différente de la maximalisation du profit ; ils inversent la relation homme-abeille pour arriver à ce que l’homme soit mis en priorité au service des abeilles. Ce faisant, ils reconstruisent des liens que nous risquons de perdre très bientôt ; ils le font à partir du terreau des traditions. Traditions menacées, faut-il le dire, par l’évolution rapide de nos sociétés.

En France, un mouvement remarquable de préservation de l’abeille noire a émergé dans les Cévennes, et ce, à l’initiative d’un homme passionné par les abeilles : Yves Élie. Après avoir réalisé plusieurs documentaires, notamment sur les pesticides, il est revenu dans sa région natale pour s’installer dans un petit village traversé par le Tarn : Le Pont-de-Montvert (875 m d’altitude), dont le blason (prémonitoire) est : de sinople au pont en dos d’âne de deux arches inégales d’argent, flanqué à senestre d’une tour couverte du même, maçonnée de sable, ajourée du champ, posé sur des ondes aussi d’argent mouvant de la pointe, la tour adextrée d’une abeille volant d’or (1950). Montvert doit son nom au village de Mons situé à 12 km de Toulouse et au seigneur de Mons. Essayons de comprendre comment lui et sa compagne entendent vivre avec « des abeilles heureuses », comme le dit Chantal.

Pourquoi avoir choisi ce village-refuge chargé d’histoire, où ont vécu des résistants protestants, où se sont abrités des Cathares et des Juifs espagnols ?

Ce qui m’a amené ici est simplement la logique du vivant ; c’est, depuis bien des siècles, le terroir de mes ancêtres. J’y ai dès l’enfance parcouru les bois, les ruisseaux, les champs, j’ai travaillé avec mes cousins éleveurs, j’ai goûté pendant mes vacances à la poésie profonde de la ruralité, de l’enracinement. Je ne suis plus tout jeune et j’ai eu la chance avec mes grands-parents et parents, mes multiples cousins, de m’imprégner des usages traditionnels, du nom de certains rochers, de certains prés, de sources, de connaître les figures tutélaires du village, ses histoires fondatrices. En fait, tout un ensemble de liens culturels qui relient au lieu, au paysage, aux saisons. Plus je vivais dans des mégapoles en France et à l’étranger, plus j’en ressentais la pauvreté, la stérilité. Et je me disais : « Tu as eu la chance de connaître autre chose, peut-être pourrais-tu en faire usage, le partager, le réactualiser ? » Les traditions n’ont pas été créées par les hommes pour finir dans des musées, mais pour vivre, pour être réactualisées. 

C’est vrai que nous autres, les parpaillots des Cévennes imbibés du charme de ce que nous appelons « le désert », nous nous sentons souvent appelés à accomplir telle ou telle mission, et ça prend le dessus sur nos vies. J’ai donc tourné le dos aux villes et à l’univers de la télévision et du film où je n’étais pas à ma place. Je me suis évadé.

Retrouvez la suite dans notre numéro de février (n°75)

https://www.weyrich-edition.be/produit/esprit-jardin-ndeg75-février-2022


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