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La teigne des ruchers

La teigne des ruchers
Cet article à été écrit par L'Esprit Jardin
8 octobre 2022

Teigne ou fausse teigne ?

Long d’environ 1 centimètre et très peureux face à la lumière, voici un petit papillon gris cendré qui a toutes les chances de passer inaperçu. Seuls les apiculteurs le connaissent et le redoutent. Mais vous êtes déjà familier de sa cousine : la mite des maisons ; il s’agit également d’un très petit papillon, qui s’attaque discrètement aux lainages. Il y a de quoi détester cet insecte dont la larve grignote nos pulls rangés dans le fond des armoires ! Cette mite trouve son équivalent dans les ruches sous le nom de teigne, puis de fausse teigne (en anglais waxworms ou caterpillar of the wax).

Le stade larvaire du papillon de la ruche ressemble à un ver, ou plus exactement à une chenille qui se nourrit de cire d’abeille. C’est Réaumur (1683-1757) qui a introduit le nom de fausse teigne pour différencier les mites et les vraies teignes ; en effet, d’autres insectes créent également des sortes de fourreaux pour se protéger.

La femelle de la fausse teigne, adulte ailée, a un odorat très puissant pour repérer l’odeur des rayons de cire construits par l’abeille. Ce petit papillon nocturne s’introduit dans les ruches, y pond ses œufs ; de petites chenilles grises véloces éclosent et minent la cire d’abeille, le pollen et même les larves. 

Bien repues, les chenilles se recouvrent alors de soie blanche au sein d’un petit tuyau protecteur en forme de galerie pour effectuer leur mue au stade nymphal (chrysalide). Le nom latin de la fausse teigne est Galleria melonella ; elle provient de la famille des pyralidés qui comporte 10.000 espèces.

RAVAGEUR ou RECYCLEUR ?

L’animal est un destructeur aux yeux de l’apiculteur, mais c’est aussi un recycleur du contenu des colonies d’abeilles vouées à disparaître, qu’elles soient faibles, désertées, moribondes ou malades.

C’est un parasite spécifique des ruches d’abeilles. Il est inféodé à cet insecte social dont il dépend exclusivement. Il se nourrit de la cire et du pollen présents dans les vieux rayons. Si la chenille arrive à se faufiler dans la feuille de cire en dessous du couvain, elle s’en nourrit sans que les abeilles puissent agir en conséquence. Les sous-espèces d’abeilles sont, à cet égard, inégales pour se défendre. En 1909, Root écrivait dans son ABC de l’apiculture que les abeilles italiennes ne tolèrent pas la fausse teigne, qu’elles l’éliminent de la ruche radicalement, ce qui ne serait pas le cas de l’abeille noire européenne. Mais la sous-espèce italienne existe-t-elle encore de nos jours dans le même état de pureté qu’il y a un siècle ? On peut en douter. Quoi qu’il en soit, l’abeille moderne de synthèse, la Buckfast, connue pour sa douceur et son marketing intense, se défend assez mal en comparaison des autres, et les ruchers qui l’abritent doivent être bien surveillés, sous peine d’être vite envahis.

La fausse teigne est parfaitement étudiée et elle a donné lieu à d’innombrables commentaires depuis très longtemps. Ainsi, Pline, dans son histoire naturelle[1], et probablement Aristote, trois siècles avant l’ère courante, en faisaient déjà état. L’apiculteur d’aujourd’hui peut se référer à l’abondante littérature moderne pour mener victorieusement la lutte contre cet insecte ravageur qui exerce parfaitement son métier de recyclage et élimine tous les miasmes de la ruche. Attirées par l’odeur inhérente au grand nettoyage que la teigne aura réalisé, il n’est pas impossible que les abeilles reviennent volontiers s’installer dans un logis tout propre.

Retrouvez la suite dans notre numéro d’octobre (n°82)

https://www.weyrich-edition.be/produit/esprit-jardin-ndeg82-octobre-2022


[1] « Ce papillon lâche et vil, qui vole autour des flambeaux, est funeste de plus d’une façon. Il mange la cire et laisse des excréments qui engendrent des teignes faisant beaucoup de ravages », Pline, chap. XI-XX.


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